je ne sais plus quoi écrire prise au piège entre la colère la tristesse et la rage
je ne sais plus quoi dire à tous ceux qui ne veulent pas entendre et encore moins écouter
je ne sais plus quoi penser de ces chefs d’état milliardaires qui abusent d’un peuple mourant
je ne sais plus quoi faire pour rêver encore un peu pour cultiver l’espoir
je ne sais plus quoi faire dans ce monde de lâches et de faux-semblants
alors je lis de la poésie toutes les poésies les désespérantes les joyeuses et les authentiques celles qui viennent du cœur celles qui parlent aux âmes
C’est en écrivant que je comprends mieux le monde. Je réfléchis à chaque mot et chaque conséquence. Les actions des autres et mes actions propres sont plus claires. Écrire aide à affiner ses pensées et ses actions, imbriquées les unes dans les autres. La forme importe peu tant que j’avance, que j’aime ce que je crée, que je produis du sens.
Et je m’appuie aussi bien sur les auteurs et autrices du passé que sur ceux et celles d’aujourd’hui. Ils et elles apportent des savoirs complémentaires. L’historique est aussi important que le présent et le futur. C’est en réfléchissant et en écrivant à la fois sur les écrits du passé, du présent, que je peux enrichir mon savoir, mes textes et mon âme. Écrire c’est comprendre et agir.
Quand je me tais, ce n’est pas que je n’ai plus rien à dire. C’est le contraire, j’ai trop à dire, sur des thèmes essentiellement tabous. Dois-je vraiment les citer ? Vous les connaissez aussi bien que moi : la guerre, le génocide, la religion, le féminisme, les violences sexuelles et sexistes, les silences qui prennent parti…
Alors je me tais, sachant trop bien que cela ne se dit pas. Et puis aussi parce que je n’aime pas débattre sur Internet avec des personnes inconnues hors d’elles, voire malveillantes. Cela me hérisse. Pourtant j’aime débattre avec des amis, ouvrir mon regard, développer mon sens critique, élargir mon horizon.
Alors je me tais, tant bien que mal, même si parfois il m’échappe une poésie difficile, même si quelques vérités s’immiscent en douce dans mes phrases. Je me tais. C’est cela que l’on veut, des femmes qui arrondissent les angles, des poétesses qui réenchantent le réel, sans trop l’estropier. Je me tais mais je soutiens toutes les personnes qui portent un étendard haut et fort.
Au cours d’une discussion, j’ai encore entendu ce cliché « ce n’est que des mots, ça ne va pas te faire de mal. Tu laisses passer au-dessus de ta tête et c’est bon… »
Non, ce ne sont pas que des mots. Les mots représentent et construisent le réel. Ce sont grâce à eux qu’on apprend à l’école et qu’on construit sa personnalité.
Ce sont ces mots qui nous permettent de nous exprimer et de discuter avec les autres. D’écrire et de lire. De faire des études, de travailler, de lire le journal, de lire des livres, des romans, de la poésie, des nouvelles…
Ils font plaisir quand ils sont tendres et doux. Parfois même, les mots sourient, font des clins d’œil, caressent, tremblent de joie et rient. Ils éclatent de rire, et ont même des fous rires.
Les mots guérissent aussi. Ils confortent, rassurent, soutiennent, cherchent des solutions, sont présents dans le malheur et la tristesse. Quand plus rien ne va et que plus personne n’est là.
Souvent, les mots attendent. Ils attendent l’autre, ils attendent le mot juste. Ils attendent le bon moment. Ils attendent tellement que c’est alors trop tard. Plus tard devient trop tard.
Enfin, les mots partent, fuient, chassent. Ils hurlent aussi. Ils frappent, tapent, donnent des coups de pied, des gifles, des coups de poing. Ils dépècent, ils mettent en morceaux, ils vident. Les mots tuent aussi. Les mots tuent les relations, tuent les âmes, tuent les cœurs.
Alors non, ce ne sont pas que des mots. Ils sont le reflet du réel et de nous-mêmes. Les mots nous constituent. Ils sont la colonne vertébrale de notre parole, de notre personnalité, de notre âme. Et ils sont l’alphabet des écrivains et des poètes.
Mes yeux s’en sont allés derrière une brunette qui passait.
Était de nacre noire, était raisin violet. De sa traîne de feu elle a fouetté mon sang.
Après toutes les filles je vais toujours ainsi.
Une blonde est passée telle une plante d’or en balançant ses charmes. Et ma bouche s’est faite vague qui s’en allait décharger des éclairs de sang sur sa poitrine.
Après toutes les filles je vais toujours ainsi.
Mais vers toi, sans bouger, sans te voir, ma lointaine, mon sang, mes baisers volent, ma brunette et clairette, ma grande et ma petite, ma vaste et ma menue, ma jolie laideronne, faite de tout l’argent et faite de tout l’or, faite de tout le blé et de toute la terre, faite de toute l’eau des vagues de la mer, faite pour mes deux bras, faite pour mes baisers, faite, oui, pour mon cœur.
Pablo Neruda, Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée, Poésie/Gallimard, 1998
Écrire de la poésie, c’est rendre le monde plus poétique en ouvrant son regard. C’est partager sa vision, partager un peu de son âme. C’est aussi déposer ses émotions sur un peu de papier. C’est encore créer une œuvre d’art qui chante l’authentique. Ou encore remettre du cœur dans des mots vides et des âmes blessées. Écrire, c’est comme l’art, c’est la vie.
Un jour on m'a dit, inspire-toi de la nature... depuis j'ai ressenti la souffrance de la chenille qui éclot dans…