aux âmes

je ne sais plus quoi écrire
prise au piège entre la colère
la tristesse et la rage

je ne sais plus quoi dire
à tous ceux qui ne veulent pas
entendre et encore moins écouter

je ne sais plus quoi penser
de ces chefs d’état milliardaires
qui abusent d’un peuple mourant 

je ne sais plus quoi faire
pour rêver encore un peu
pour cultiver l’espoir 

je ne sais plus quoi faire
dans ce monde de lâches et de
faux-semblants

alors je lis de la poésie toutes les poésies
les désespérantes les joyeuses
et les authentiques celles qui viennent
du cœur celles qui parlent aux âmes

– Emmanuelle de Dardel

l’amour se meurt

l’amour se meurt
il est en couple et
il a omis de le lui dire
on n’oublie pas ces choses-là
on les cache sciemment
volontairement
avec détermination
et puis quand on est découvert
on se dédouane en racontant
qu’on l’avait déjà dit
on se ment d’abord à soi-même
avant de mentir aux autres
et l’amour se meurt doucement

– Emmanuelle de Dardel

brûlure

les mots brûlent
les mains la bouche
ils veulent dire
mais je ne veux pas
je ne peux pas
les mots brûlent
ils enragent
je dois les taire
on n’en veut pas
ils sont



indicibles
indésirables

– Emmanuelle de Dardel

Dilemme ou pas

Quand je me tais, ce n’est pas que je n’ai plus rien à dire. C’est le contraire, j’ai trop à dire, sur des thèmes essentiellement tabous. Dois-je vraiment les citer ? Vous les connaissez aussi bien que moi : la guerre, le génocide, la religion, le féminisme, les violences sexuelles et sexistes, les silences qui prennent parti…

Alors je me tais, sachant trop bien que cela ne se dit pas. Et puis aussi parce que je n’aime pas débattre sur Internet avec des personnes inconnues hors d’elles, voire malveillantes. Cela me hérisse. Pourtant j’aime débattre avec des amis, ouvrir mon regard, développer mon sens critique, élargir mon horizon.

Alors je me tais, tant bien que mal, même si parfois il m’échappe une poésie difficile, même si quelques vérités s’immiscent en douce dans mes phrases. Je me tais. C’est cela que l’on veut, des femmes qui arrondissent les angles, des poétesses qui réenchantent le réel, sans trop l’estropier. Je me tais mais je soutiens toutes les personnes qui portent un étendard haut et fort.

– Emmanuelle de Dardel

de l’amour

lui dire non lui a coûté

lui son amour de jeunesse retrouvé

lui dont elle rêvait si souvent

sans pouvoir lui dire

sans même pouvoir lui parler

trop apeurée de le découvrir indifférent

lui qui faisait chavirer le monde d’un regard

lui pour qui elle serait redevenue poétesse

lui qui rallumait les soleils de sa vie

lui dire non lui a coûté son cœur

il est marié aujourd’hui

ne pas tout abîmer

ne pas tout détruire

pour une vie volée

un peu de plaisir caché

arraché aux griffes du jour

comme un philtre d’amour maudit

reçu en héritage de Tristan et Iseult

qui détruit son monde intérieur

qui empêche de vivre respirer avancer créer

être heureuse fière joyeuse épanouie libre

– Emmanuelle de Dardel