Lettre ouverte

Cher Monsieur Jean S.,

Permettez-moi de vous adresser cette lettre ouverte. Aujourd’hui, nous apprenons qu’une poétesse a reçu le Prix Nobel de littérature 2024. J’emploie à dessein le mot poétesse, qui désigne le poète de sexe féminin. Lorsque nous nous sommes rencontrés, lors de votre conférence sur les poètes francophones, en février 2024, j’ai lu votre feuille de route et vous ai dit doucement : « il n’y a pas beaucoup de femmes ». Ce à quoi vous m’avez répondu : « oh vous savez, il n’y a pas beaucoup de femmes qui écrivent de la poésie« .

Cela fait plus de 6 mois et j’en reste profondément indignée. L’humanité compte autant d’hommes que de femmes pourtant et cela fait longtemps que les femmes sont actives dans le monde. Nous sommes ingénieures, conductrices, banquières, professeures… Et nous écrivons aussi. Beaucoup de poétesses ont laissé des poèmes aussi inoubliables que ceux de Baudelaire et Rimbaud.

Connaissez-vous Pernette du Guillet, Louise Labé, Marceline Desbordes-Valmore, Madame Ackermann, Catherine Pozzi ? Elles figurent dans l’Anthologie de la poésie française, d’André Gide, bibliothèque de la Pléiade, éditions Gallimard, 1949. 5 poétesses pour 72 poètes. C’est à peu près le même ratio pour les Prix Nobel de littérature.

Pourtant le monde littéraire foisonne de poésies composées par des femmes. Andrée Chedid en fait partie. Il y en a beaucoup d’autres, dont les noms sont malheureusement moins connus, occultées par ce je ne sais quoi, cette idée qu’une poétesse est moins douée qu’un poète. Alors de grâce, la prochaine fois que vous parlerez poésie, parlez aussi des poétesses. Les petites filles du monde entier vous souriront – qu’elles soient vos filles, vos petites-filles ou qu’elles vous soient étrangères. Et un sourire vrai vaut toutes les poésies.

Emmanuelle de Dardel

NB. Prenez un moment pour lire un de mes poèmes préférés, de Sylviane Dupuis, une poétesse contemporaine.

Allégorie du poète

Tel l’empereur, chimérique

collectionneur d’emblèmes,

il se fabrique un jardin

de mots

pour y déverser l’univers

et désignant du doigt

l’invisible,

veille à l’occulte alternance

de l’eau, de la fange et

du ciel.

Sylviane Dupuis

Han Kang, Prix Nobel de littérature 2024, librairie Mollat, https://commons.m.wikimedia.org/wiki/File:Han_Kang_-_2017.png

Ecrit par Emmanuelle de Dardel

Lire de la poésie me transporte depuis que j'en ai lu pour la première fois, à l'école. J'ai longtemps attendu avant d'en écrire tous les jours. Il fallait bien être sérieuse, Madame. Et puis un jour, les mots ont fleuri dans mon esprit, comme des roses, et je les ai enfilés dans des colliers de poésie. Et vous, pourquoi aimez-vous la poésie ?

vendredi 11 octobre 2024

Lisez aussi…

Musée et centre d’art contemporain à Bellinzona (abonnement)

Au détour d’une balade, j’ai suivi un panneau qui indique la direction d’un musée d’art contemporain. Le musée se trouve dans une belle demeure du quartier résidentiel de Bellinzona Nord. On y accède par une petite rue sans issue. Doté de 3 salles, ce centre de taille modeste est un petit musée aux grands effets. On y découvre l’art contemporain de manière intimiste.

Nacre sur fond d’or, Renée Vivien (abonnement)

La forêt s’attendrit à l’écho de ta voix ;
Les lucioles d’or aiguisent leurs lumières ;
Je ceins d’iris ton front de vierge, et je revois
Le frisson blanc de tes paupières.

D’autres poésies sur abonnement, disponibles sur le blog.

L’isolement, Alphonse de Lamartine

Souvent sur la montagne, à l’ombre du vieux chêne,
Au coucher du soleil, tristement je m’assieds ;
Je promène au hasard mes regards sur la plaine,
Dont le tableau changeant se déroule à mes pieds.

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