De l’intuition

Cette journée-là montrait les promesses d’un beau moment très ensoleillé et chaud, avec un soleil encore bas sur l’horizon. Ces moments troublants de proximité avec le soleil, qu’on ne vit qu’au printemps. En été, le soleil est plus chaud mais plus éloigné de nous, sur sa ligne de déplacement. Toujours est-il qu’elle avait décidé de se promener sur son parcours préféré ce jour-là, sans savoir pourquoi. Elle écoutait pourtant son intuition, depuis ce fameux rendez-vous « manqué » avec elle-même. D’ailleurs, elle sait maintenant que l’intuition est surhumaine bien sûr (chacun le sait), mais surtout qu’elle transmet un message qu’on ne veut pas entendre. Le genre de tout petit signe désagréable, comme un léger « je te préviens, ce n’est pas pour toi, tu vas au-devant des problèmes si tu t’y rends ». Cette intuition qu’elle a malmenée bien souvent sans s’en rendre compte. Elle commence maintenant à percevoir les signes plus clairement.

Ce jour-là, elle s’était rendue sur son parcours favori. Il n’y avait pas beaucoup de monde, c’est un euphémisme : elle n’a croisé que 2 personnes. Le plaisir de parcourir « son » chemin seule. Elle parvient sans peine au mini marais, traversé par des chutes d’eau. Elle se dit alors qu’il faudra qu’elle les explore davantage un jour, afin de connaître la provenance de cette eau. Parce que c’est lassant de toujours passer par le même sentier balisé. Et puis elle se rend compte qu’elle n’a plus aucun plaisir à marcher sur les mêmes chemins qu’elle connaît presque par cœur à force. Tout à coup, elle se souvient d’une de ses formatrices enseignantes, une de celles qu’elle appréciait. Que disait-elle déjà, légèrement moqueuse ? Ah oui, la variation est indispensable à tous les niveaux, en respectant la sacro-sainte routine connue de tous, sinon les élèves sont perdus ou blasés. Voilà, la variation dans l’action routinière.

Elle commença à mettre cette intuition en pratique et prit un escalier charmant. C’était un passage privé en fait, évidemment, ainsi que l’indiquait le panneau à mi-parcours. Tout ou presque est privé sur ce chemin, ne le savait-elle pas ? Elle l’emprunta malgré tout et parvint à une route peu intéressante. Puis elle retourna sur le chemin et fit demi-tour, en se demandant comment explorer ce parcours si tout était interdit… Elle s’arrêta dans une propriété privée au bord du lac, près d’un bassin de retenue rempli de grenouilles et de têtards probablement. Les grenouilles, elle le savait, elles faisaient un tel concert qu’on les entendait loin à la ronde. Mais on ne les voyait pas, elles étaient cachées par les roseaux et la végétation. Sans surprise, elles se turent rapidement une fois qu’elle s’assit. Elle profita de la sérénité de l’endroit quelques instants pour prendre des photos. Il faut avouer qu’elle n’avait jamais osé s’y arrêter auparavant, trop effrayée par la possible méchanceté des propriétaires. Pourtant, maintenant qu’elle connaît mieux l’âme humaine, après avoir côtoyé toutes sortes de personnages détestables et décevants, elle a moins de craintes. Elle sait que la plupart portent leur gentillesse comme une fausse façade. Elle le savait et l’acceptait. Cela faisait partie des apprentissages offerts par la vie. Ces gens qui font semblant d’être gentils pour arriver à leurs fins, coûte que coûte, même s’il leur fallait détruire, discréditer ou mener la vie dure à l’autre.

Elle en était là de ses réflexions, lorsqu’elle reprit son chemin de manière sereine. Elle passa les nombreuses barrières spécialement aménagées pour les passagers du sentier pédestre, avec ses flèches jaunes, qui signalaient qu’on était invité à poursuivre sa route. Puis elle parvint à son endroit préféré, là où elle avait passé une partie de son enfance à nager, courir, cueillir des mûres, avec sa famille. Le mur des mûres existe toujours, mais plus les fruits. Quel dommage, elle n’a jamais compris pourquoi. Elle aperçoit alors un homme au loin, accompagné d’un petit chien en liberté. Elle se méfie des chiens des inconnus, ne sachant jamais comment ils vont réagir, puisqu’elle a bien compris que cela dépend du caractère du maître (même si c’est triste à dire). Elle laisse donc passer cet homme et son chien, en se disant qu’ils ont vraiment l’air de traîner, car elle a dû ralentir son pas de beaucoup. Elle s’arrête même pour les laisser prendre de l’avance et être plus tranquille. Puis elle reprend sa route et parvient au petit port du bord du lac. Le chien l’attend. Elle l’ignore royalement pour ne pas lui donner de mauvaises idées, puis dit gentiment au propriétaire qu’elle a attendu qu’ils passent, son chien n’étant pas attaché. Mal lui en a pris, cet homme s’est vexé et n’est manifestement pas correct. Il parle à son chien comme si elle n’était déjà plus là « allez viens Vito, on va l’écraser en lui roulant dessus en voiture, la dame qui nous ennuie ». Que disait-elle à propos de l’intuition déjà ?

Ecrit par Emmanuelle de Dardel

Lire de la poésie me transporte depuis que j'en ai lu pour la première fois, à l'école. J'ai longtemps attendu avant d'en écrire tous les jours. Il fallait bien être sérieuse, Madame. Et puis un jour, les mots ont fleuri dans mon esprit, comme des roses, et je les ai enfilés dans des colliers de poésie. Et vous, pourquoi aimez-vous la poésie ?

jeudi 4 mai 2023

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