La poésie n’a pas comme seuls buts d’offrir de jolis vers et de belles paroles qui vous portent tout au long d’une journée compliquée ou quand vous perdez de vue vos objectifs de vie. Elle cherche aussi à vous faire vous remettre en question, à vous montrer qu’il y a plusieurs réponses souvent auxquelles vous n’aviez pas pensé, voire même aucune réponse satisfaisante à vos questionnements.
Et la poésie difficile, négative et noire tente de vous rappeler que la vie n’est pas faite que de positif, qu’il faut accueillir les parts sombres, pour les dépasser. Mettre au jour l’inconscient aussi. Ce processus est impossible si l’on ne s’attache qu’aux aspects lumineux. C’est le travail des poètes que de parler de tout, même et surtout de ce qu’on refuse de voir en face.
La poésie n’est pas réservée qu’aux hommes – même si cela l’a été les siècles passés. On ne compte plus les grands poètes francophones : Hugo, Rimbaud, Verlaine, Baudelaire, Claudel (qui a abandonné sa soeur Camille, la sculptrice, dans un hôpital psychiatrique pendant 30 ans et jusqu’à sa mort), Mallarmé, Prévert, Ponge, Jaccottet, Bonnefoy… On les cite même de tête, tant on les aime.
Qui sont les poétesses que l’on cite de tête ? Il y en a bien quelques-unes dont les oeuvres nous sont parvenues, mais on les étudie peu à l’école et à l’université. De ce fait, on les connaît moins. C’est toute la différence. Les poètes célèbres, on les connaît par cœur. Les poétesses célèbres, on doit réfléchir pour ne se souvenir ne serait-ce que de leur nom. Je vous mets au défi de me citer les vers d’une poétesse célèbre.
De plus, on a tendance à lier la poésie féminine avec des vers positifs uniquement, car on voudrait que les femmes et les poétesses restent dans leur rôle acquis d’accompagnement, d’aide et de soutien. C’est alors qu’elles se libèrent et écrivent aussi de la poésie. Elles écrivent de la poésie libre – dont les vers ne riment pas à dessein – pour s’émanciper des règles de la poésie classique, mais aussi des règles qui leur imposées par une société qui a longtemps été dominée par les hommes. Les féministes qui valorisent les rapports équitables entre femmes et hommes – dont je suis – se battent pour faire entendre leur voix.
Cela produit un étrange état de faits qui permet de valoriser encore davantage les poètes au détriment des poétesses.
Emmanuelle de Dardel
Titulaire de deux demi-licences de langue et littérature françaises médiévales et de linguistique et sciences du langage (2005), ainsi qu’un bachelor d’enseignante primaire, sanctionné par un mémoire professionnel sur les normes dans l’enseignement (pourquoi il est difficile de déconstruire ce qu’on a toujours fait « comme ça » – le genre de sujet qu’on évite).
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