poésies libres

exercice de négation négativité / positivité

la poésie ne (se) vit pas
« ce ne sont que des mots »
qui se balancent doucement
sur le fil du hasard
les uns à la suite des autres
ils ne soufflent ni espoir
ni rêves
ils traversent nos vies
comme des pantins en bois inanimés
ils ne sont ni nos yeux ni nos âmes

la poésie (se) vit
ce ne sont pas que des mots
qui se balancent doucement
sur le fil du hasard
les uns à la suite des autres
ils soufflent espoir et
rêves
ils ne traversent pas nos vies
comme des pantins en bois inanimés
ils sont nos yeux nos âmes

– Emmanuelle de Dardel

rage

la pluie s’écoule souvent
goutte après goutte
des nuages gris
à tes yeux verts
vert océan
à la houle primordiale
des matins qui respirent
encore surpris d’être en vie
après les nuits de rage noire

– Emmanuelle de Dardel

victime

la
la victime
la victime est
la victime est coupable
la victime est coupable d’
la victime est coupable d’être
la victime est coupable d’être victime
la victime n’est pas coupable d’être victime
la victime n’est pas coupable d’être
la victime n’est pas coupable d’
la victime n’est pas coupable
la victime n’est pas
la victime n’est
la victime
la

– Emmanuelle de Dardel

Soutenir une victime, c’est prendre son parti. Seul.e l’agresseur est coupable. Le silence de l’entourage et de la société donne raison à l’agresseur.

yeux éblouis

un océan de brumes
les vagues grises se déroulent
les unes sur les autres

les arbres ruissellent de cuivre d’ocre
de toutes les nuances d’automne
verts attendris sapin ou bronze

bouton d’or paille ambre
noisette rouille ombre
ocre brûlé lie de vin

la nature chantonne les couleurs
qui changent s’envolent et virevoltent
comme des lucioles endimanchées

l’automne et ses feuilles vivent et
dansent au son des nuages
des vents contraires violents ou sournois

la terre entière est une ronde de
feuilles aux tons ocres le cadeau
dune vie d’une année pour les yeux éblouis

j’ai voulu cueillir les étoiles
et j’ai été happée par l’ombre
c’est là que j’ai rencontré la poésie

– Emmanuelle de Dardel

cœurs transistors

la poésie
pour dire
pour écrire
ce que tu
refuses
caches
rejettes

la poésie
pour parler
des tabous
indicibles
intangibles
d’une société
qui ferme les yeux

la poésie aussi
pour enchanter
pour adoucir
pour apaiser
pour reconstruire
les âmes brisées les âmes fortes
les cœurs transis les coeurs transistors

– Emmanuelle de Dardel

couleur de feu

dans tes cheveux
se cache une âme
couleur de feu
remplie de flammes

c’est sur ta tombe
dans l’inconscience
que la colombe
perd sa confiance

dansent les cœurs
ils se croient libres
ses arnaqueurs
en équilibre

pourtant le temps
est tout sauf dupe
quand il prétend
qu’il s’en occupe

– Emmanuelle de Dardel

écoute

pendant une vie
je n’ai plus pu parler
le poids était immense
aussi lourd que la galaxie entière
parler n’avait plus aucun sens
puisqu’on ne me croyait pas

alors j’écri(vai)s
de la poésie
du fond de mon ciel noir nuit
depuis mes canapés-lits nuages
par-delà les étoiles meurtries
les conflits et les silences qui croassent

aujourd’hui je parle un peu
aux gens bienveillants
qui écoutent un peu
sourient avec des yeux étoiles
et tendent la main sans exiger

les autres
ceux qui jugent
je n’y arrive plus
toujours pas
entendre est facile
écouter (l’indicible) est un art

– Emmanuelle de Dardel

rimes inverses

l’âme en bataille
l’amour en déroute
l’amie en jachère
la mer est si loin
l’amer est en rage
lame des tréfonds
l’amour se consomme
l’âme se consume
l’amère vengeance
l’amertume tue
lame imperceptible
la mer purifie
l’amour pur guérit
l’âme s’ennoblit

– Emmanuelle de Dardel

elles dorment

sous leur couverture
de brume et de nuages
les étoiles s’endorment
doucement paisiblement
comme de petits anges
aux ailes diaphanes
et aux âmes éthérées

– Emmanuelle de Dardel

la poésie

la poésie s’évade
de mon cœur
elle résiste
veut vivre par
et pour elle-même

– Emmanuelle de Dardel

Poésie illustrée par un tableau de Gustave Buchet, à voir sur Instagram (clic).