Jeanne chante ; elle se penche, Victor Hugo

Jeanne chante ; elle se penche
Et s’envole ; elle me plaît ;
Et, comme de branche en branche,
Va de couplet en couplet. 

De quoi donc me parlait-elle ?
Avec sa fleur au corset,
Et l’aube dans sa prunelle,
Qu’est-ce donc qu’elle disait ? 

Parlait-elle de la gloire,
Des camps, du ciel, du drapeau,
Ou de ce qu’il faut de moire
Au bavolet d’un chapeau ? 

Son intention fut-elle
De troubler l’esprit voilé
Que Dieu dans ma chair mortelle
Et frémissante a mêlé ? 

Je ne sais. J’écoute encore.
Etait-ce psaume ou chanson ?
Les fauvettes de l’aurore
Donnent le même frisson. 

J’étais comme en une fête ;
J’essayais un vague essor ;
J’eusse voulu sur ma tête
Mettre une couronne d’or, 

Et voir sa beauté sans voiles,
Et joindre à mes jours ses jours,
Et prendre au ciel les étoiles,
Et qu’on vînt à mon secours !

J’étais ivre d’une femme ;
Mal charmant qui fait mourir.
Hélas ! je me sentais l’âme
Touchée et prête à s’ouvrir ;

Car pour qu’un cerveau se fêle
Et s’échappe en songes vains,
Il suffit du bout de l’aile
D’un de ces oiseaux divins. 

21 juin 1859

Victor Hugo, Les chansons des rues et des bois, Paris, Garnier-Flammarion, 1966, p. 103

[ 1802 – 1885 ]

Ecrit par Emmanuelle de Dardel

Lire de la poésie me transporte depuis que j'en ai lu pour la première fois, à l'école. J'ai longtemps attendu avant d'en écrire tous les jours. Il fallait bien être sérieuse, Madame. Et puis un jour, les mots ont fleuri dans mon esprit, comme des roses, et je les ai enfilés dans des colliers de poésie. Et vous, pourquoi aimez-vous la poésie ?

lundi 22 mai 2023

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